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Elements after crimes complet

Elements after crimes,
44.86°N 16.77°E

Bosnie, 2014-2019

Décembre 2013, les fouilles sont achevées dans le charnier de Tomasica en République serbe de Bosnie. Elles avaient commencé en septembre suite aux déclarations d’un témoin serbe. Vingt ans après les faits, il avait indiqué le lieu où les non-serbes avaient été jetés dans une fosse creusée, en 1992, pour cacher les corps pendant la guerre de Bosnie. En 1993, la population locale s’étant plainte des odeurs, ceux-là même qui avaient enterré les corps en avaient déterré une partie pour les cacher dans un charnier secondaire, Jakarina Kosa, à quelques dizaines de kilomètres.
Quelque six cents personnes ont été ensevelies à Tomasica, ce qui en ferait le plus gros charnier découvert en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Zabou Carrière qui avait suivi les fouilles à l’automne, a décidé de revenir à Tomasica quelques mois plus tard. Les photographies d’Elements after crimes, 44.86°N 16.77°E montrent de l’eau, de la boue, des pierres, des plantes, autant d’éléments de la nature d’une apparente banalité. Leur échelle n’est pas clairement perceptible, les images sans perspective. Les prises de vues sont réalisées en plongée, dirigées vers le sol. Plutôt que des paysages, ce sont des surfaces qui sont montrées, celles-là même qu’il a fallu creuser pour en dégager les restes des morts recherchés depuis vingt ans.

Les photographies suggèrent plutôt qu’elles ne montrent l’horreur.
Une image pointe vers un ciel balafré, indécis entre soleil et nuages. Il fait beau et chaud aussi dans cette région.
La végétation a recouvert la terre retournée, l’eau a rempli les fosses, les pelleteuses en charge de leur extraction ne couvrent plus les chants des oiseaux. Le paysage a été modifié par les interventions de l’homme et a fini par livrer ses secrets. La scène des crimes existe dans la mémoire collective et pourtant plus grand’chose n’y est visible.

Raphaël Enthoven, reprenant un texte de Vladimir Jankélévitch, s’interroge sur le fait qu’à Auschwitz “l’herbe recommence à pousser chaque année et les oiseaux y chantent”. Il ajoute : “On ne peut pas ne pas s’indigner que la vie continue et on ne peut pas ne pas s’en réjouir non plus.”
Lors de l’entrée au Panthéon de Simone Veil et de son mari Antoine, il avait été diffusé l’enregistrement de L’aube, à Birkenau, 17 juin 2018, 5 heures du matin. On y entend le chant des oiseaux.

Vues d'expositions

https://rencontresphotoparis10.fr/photographe/carriere-zabou/

https://www.le-shed.com/expo-collective-de-visu